SUPERVISION
Autour du mot « supervision » … Souvent aujourd'hui appelé « Analyse des pratiques professionnelles » sans toujours redéfinir les termes.
Le mot supervision implique la question d’un regard qui serait du dessus, englobant, mais il faut le saisir selon la racine indo-européenne « weid » comme être témoin de, constater, voir avec les yeux de l’esprit, voir par la pensée ou l’imagination, juger, examiner. (cf. Joseph Rouzel, Supervision d'équipe en travail social, Dunod)
Le superviseur arrive dans une équipe comme un étranger invité que l’on rend témoin et l'exercice de la parole le rend dépositaire : « Le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. 1928. La disposition de l'article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur, 1 si le dépositaire s'est offert lui-même pour recevoir le dépôt; ... Code civil, 1804, p. 348. » (définition TLFI)
Accueillant ce dépôt, il crée un écart entre les faits et les dits et il soutient chez chacun et collectivement la capacité à travailler cet écart. Chacun devient témoin de son acte, et peut, à son tour, le regarder. Le superviseur dépositaire des signifiants clefs devra à partir d'eux conduire son intervention, c'est sur ce point précis que je fais le lien entre ma pratique de psychanalyste l'accompagnement professionnel.
Le travail s’inspire du dispositif Balint et repose sur des analyses de situations concrètes issues de la clinique ordinaire. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise situation, mais celle qui vient à l'esprit. Je propose des séances qui puissent décliner quatre temps (le premier sera lancé, et utilisé ou pas, peut être bref)
1/ J’ouvre la séance par « un quoi de neuf » ou « comment allez-vous » qui permet à chacun de dire spontanément ce qui le préoccupe au sujet de son vécu du fonctionnement collectif
2/ Puis j’invite au récit d'une situation concrète « il m'est arrivé cela avec un jeune, famille, partenaire, collègues, tel jour, telle heure, tel lieu » l'écoute se fera dans le silence (silence des mots comme celui de l’expression des corps) jusqu'à la fin du récit
3/ Un tour de table au un par un permet à chacun des membres de l’équipe de dire rapidement et spontanément ce qu'il ressent à l'écoute du récit, ce qui produit un premier déplacement et un ouverture au travail collectif.
4/ Associations d'idées et parole à « bâtons rompus », plus souple, ici la parole va ou elle veut, et je m'engage dans cette parole de ma place.
→ conclusion par un mot non commenté.
Les situations seront apportées par les participants sous la forme de récits ; l'acte de dire les implique personnellement dans l’écoute des collègues ; le récit ouvre le travail par la question du transfert. C'est le transfert qui fait cadre. Évidemment, la situation comprend en elle-même des problématiques attenantes au groupe et à l'institutionnel, qui seront ou pas énoncées selon ce qui vient. Le travail du récit et de l'écoute pose d'emblée les règles de l'échange et ouvre à une pensée collective et un espace transitionnel source de créativité et permet de défaire peu à peu les postures de répétition ; nul ne saurait être passif, chacun à son rythme doit s’impliquer dans sa parole.
Les règles
Confidentialité des propos énoncés par rapport à l’extérieur,
Présence régulière aux séances, (annoncer au groupe une absence prévue, dire un mot au groupe sur une absence antérieure non prévue)
Présence de toutes et tous, membre de l’équipe quel que soit son statut,
Arrivée et départ dans le groupe selon les horaires fixés, aucune interruption pendant la séance ni entrée ni sortie ni téléphone.
Évaluation
Des liens avec la direction peuvent avoir lieu ponctuellement dans le respect de la confidentialité des séances.
Un travail de déplacement
Tout travail de groupe rencontre des moment de crise et des points de butée, occasion de redéfinir les contours de l'équipe participante ou le dispositif lui-même, qui peut évoluer et faire évoluer les sujets professionnels, leur lien, la représentation de leur place. Pour cela, il convient d'imaginer possible un travail sur plusieurs années.
Cette vision de la supervision pour être globale doit impliquer chaque acteur d’une équipe quelle que soit sa fonction. Parfois cela n'est pas souhaité ou pas réalisable et le travail se concentre alors sur de l'analyse de pratiques d'équipes pluri-disciplinaires. Il convient de définir l'intérêt et les limites de cette demande sous cette forme-là. L'analyse de la demande s'avère être un temps crucial. Dans certaines situations institutionnelles ou le travail de la parole est empêché, la souffrance est vive et peut nécessiter une régulation d'équipe. Mais ce qui impacte une équipe se tisse sur plusieurs dimensions : cliniques, groupales, institutionnelles. Il peut être nécessaire que je me déplace sur les lieux réels de l'exercice du travail, notamment sur les réunions pour réaliser des observations, ou prendre le temps de séances avec l'équipe d'encadrement ou de direction. Il peut aussi être utile de créer des biais en inventant d'autres dispositifs en parallèle comme des ateliers d'écriture à partir de la clinique ou des journées institutionnelles autour d'un thème de travail.
L'effectivité est subordonnée à l'examen concret des situations au cas par cas et à la possibilité de faire évoluer les modalités d'intervention, mais avant tout, en référence à la psychanalyse, le transfert commande la forme et l'ambiance de l'intervention.
Références
J'interviens dans des établissements en psychiatrie, dans le secteur social et médico-social. Ce qui oriente ma pratique prend appui sur mon travail de psychanalyste, référé à Freud, Lacan et mes travaux en groupe de pairs.
Compagnonnage des auteurs-praticiens sur ces champs : Joseph Rouzel, Isabelle Pignolet de Fresnes, Jacques Cabassut, Claude Allione, Jean-Pierre Lebrun.
Les théories et pratiques de l'institutionnel – pédagogie institutionnelle, psychothérapie institutionnelle, et les recherches sur les groupes (Bion) Interventions en colloque et en formation (Psychasoc, Montpellier, Espace Analytique Belgique, formatrice Psychasoc stages Superviseurs d'équipe),
Enseignement au DU de Clinique psychanalytique à Paul Valéry, permettent d'élaborer et transmettre cette pratique.
Pratiques d’ateliers d’écriture en accompagnement professionnel qui a donné lieu à la publication d'un livre collectif que j'ai dirigé, Écrire la clinique, une lumière noire et du psychodrame Balint, (Ateliers Cliniques Psychanalyse Institution – www.atelierscliniques-arles.fr )
Pratique de l’écriture théorique, publication d'articles et littéraire (à retrouver sur la page Écrits), publication de fictions